High Violet, haute voltige
Je connaissais The National comme un excellent groupe de scène. Sur disque, j’étais moins convaincu. C’était avant la sortie d’High Violet.
Peu avant la sortie du disque, leur 5ème, en mai, les vidéos live de Terrible Love m’avaient emballé. C’est ce morceau qu’on retrouve en ouverture du disque. Qu’est-ce qui fait le charme de ce morceau ? Bien sûr, il y a le lent crescendo. On part d’une intro minimaliste et vaporeuse et on termine sur une envolée diablement électrique et incroyablement dense. Ça marche à tous les coups ou presque. Mais il n’y a pas que ça. Dans Terrible Love, il y a Bryan Devendorf, le batteur du groupe.
Un ami à moi, sans doute vaguement masochiste et que je viens d’inventer, m’avait un jour confié qu’il aimait se retenir de pisser un maximum. Ainsi, lorsqu’il se laissait aller, l’instant était jubilatoire et il en tirait grand plaisir. Je me demande si ce n’est pas ce pote qui a appris à jouer de la batterie au susmentionné Bryan.
Dans Terrible Love, il y a d’abord cette arrivée de la grosse caisse, bom, bom, bom, rien de plus, qui dure une bonne minute. Là, notre ami Bryan se retient, alors que bon nombre de batteurs aussi doués que lui techniquement refuseraient de ne pas pouvoir marquer leur territoire à tout va. Puis il y a la double libération de Bryan. A 1’38”, on lui autorise l’usage du Charley. C’est sûr, ça ne va plus tarder à sortir et là, bam, à 1’50”, Bryan en fout partout. Il jubile et nous avec.
Là où je veux en venir avec cette métaphore douteuse, c’est illustrer la qualité de la construction des morceaux de The National, bien souvent structurés en une succession de montées d’intensité des musiciens, mais jamais tous en même temps, pour que tout cela soit continu, et s’installe, l’air de rien, jusqu’à nous embarquer avec elles.
Au-delà de Terrible Love, la structure générale d’High Violet est elle aussi très maîtrisée et offre un schéma quasi-mathématique puisque, sans titre faible, les deux autres pépites du disque, Afraid of Everyone et England, se trouvent en milieu et fin de disque.
Ils sont rares les groupes qui se bonifient avec le temps, mais The National n’a jamais été aussi bon sur disque que pour ce 5ème opus, le premier qui soit intégralement auto-produit. Tiens, tiens, on dirait que l’apprentissage en la matière est fini, et le groupe obtient les félicitation du jury à la remise des diplômes.
Pour ne rien gâcher, le groupe n’a rien perdu de son talent scénique, comme on a pu s’en rendre compte lors de l’édition 2010 (plutôt humide) de la Route du Rock. Déjà présent en 2005 et 2007, le groupe y est revenu cet été pour un show dramatiquement intense jusqu’à en être spectaculaire (au bon sens du terme). Les nouveaux titres n’ont pas déçu (Afraid of Everyone, plus électrique que sur disque, et le final sur Terrible Love en tête) et, renforcés par les vieilles connaissances (M. November, Fake Empire), nous ont offert un concert mémorable, méritant certainement un titre de concert de l’année par anticipation.
Quant au reste de la programmation de la Route du Rock, peu de bonnes surprises, même si globalement, l’édition fut de bonne qualité :
- Vendredi
- Dum Dum Girls : perd un peu de son charme (musical) sur scène (3)
- Owen Pallett : intéressant 3 minutes puis pénible jusqu’à devenir chiant (1)
- Yann Tiersen : première moitié assez moyenne puis le niveau augmente d’un coup et le final est très convaincant (4)
- The Black Angels : assez bonne surprise, confirme les bons disques du groupe (3)
- Samedi
- Massive Attack & Martina Topley Bird : pas du tout ma tasse de thé (1)
- Foals et Two Door Cinema Club : rien de nouveau sous le soleil et un brin répétitif, mais diablement efficaces pour remuer son popotin (4)
- Dimanche
- Thus:Owls : aucun souvenir (?)
- Serena Maneesh : brouillon et ça se la raconte (1)
- Archie Bronson Outfit : bien meilleur que la 1ère fois que je les avais vus (3)
- The National : brillant et intense (5)
- The Flaming Lips : spectaculaire et original… mais bien peu de musique (2)